<63> l'élégance du français pour le faire dans une langue qui est plus répandue en Europe, et qui par conséquent aurait flatté davantage la petite ambition d'un auteur qui écrit, au bout du compte, pour être lu le plus qu'il lui est possible. Je me suis vu même estropier dans une traduction française, et je n'ai pas osé, malgré l'amour-propre, en entreprendre une moi-même, craignant peut-être de m'estropier davantage. Cet aveu de mon ignorance, que je fais à V. M., et que je suis prêt à faire au public, V. M. aura senti mille et mille fois combien il est sincère, par beaucoup de fautes qu'elle aura remarquées dans mes lettres. J'ai beaucoup compté et je compte encore sur son indulgence, en écrivant à V. M. dans cette langue; et si je l'ai autrefois chérie comme une langue que V. M. a comme adoptée, et dans laquelle elle a écrit tant de belles choses, je ne saurais plus la chérir lorsqu'elle a pu faire croire à V. M. que j'ai voulu l'offenser.

Après tout cet égoïsme, que je prie V. M. de vouloir bien pardonner à la vérité, je passe aux offres qu'elle veut bien encore me faire, et qui me font sentir que la main du Seigneur ne s'est pas tout à fait retirée de dessus ma tête. V. M. m'offre une bonne pension et beaucoup de liberté, choses naturellement contraires, que la bonté de V. M. pour moi veut bien concilier ensemble. Je suis bien éloigné, Sire, de refuser un parti qui m'approche de la personne de V. M. Elle sait que, quant à présent, je m'en vais chez moi, où mes affaires m'appellent et m'obligent d'être pour quelque temps. Je serais charmé, Sire, d'aller passer de temps en temps une année à Berlin; ce serait pour moi une année de réjouissance, comme le retour des olympiades l'était pour les Grecs, et des jeux séculaires pour les Romains. Je regarderai tout ce que V. M. voudra bien m'accorder, cette année-là, pour les frais des voyages et de mon séjour à Berlin, comme une grâce d'autant plus grande de V. M., qu'elle viendra par là à me payer de mon propre plaisir. Mais la chose, Sire, dont je la supplie le plus ardemment, c'est de ne point imputer à mon cœur les fautes de mon