137. DU MÊME.

Berlin, 26 mai 1742.



Sire,

On attend ici avec une très-grande impatience l'arrivée d'un second courrier qui nous donne un détail circonstancié de la bataille; l'on est même extrêmement curieux d'apprendre quelle a été l'issue de la poursuite des ennemis. On regarde cette bataille comme décisive, et elle est d'autant plus glorieuse à V. M., que ni la France ni la Saxe n'y ont part. Les seuls Prussiens ont jusqu'ici soutenu avec gloire tout le poids de la guerre, et ils ont conduit les choses au point où elles<234> sont présentement. Si la paix se fait, c'est à V. M. seule que l'Europe en est redevable. Pendant que V. M. gagne des batailles, on chansonne en France, on danse à Moscou, on peste à Londres, et on calcule en Hollande.

Il passe ici tous les jours des comédiens, des musiciens, des artistes, des peintres, qui vont à Moscou. Les artistes vont voir Knobelsdorff.234-a Le fameux Valeriani lui a rendu visite, et a été extrêmement content des dessins qu'il lui a montrés de l'Opéra, etc. Cet Italien convenait que tout y ressentait l'antique et le goût du Palladio.

Voici des vers du jeune Vattel, qui attend la décision de son sort, présentés à Sa Majesté la Reine mère à l'occasion de la dernière bataille.

On dit ici le comte de Rottembourg mort. Je n'en crois rien; je me flatte qu'il se rétablira, puisque V. M. m'a fait l'honneur de me dire que l'on avait espérance qu'il se rétablirait. N'est-il pas fâcheux que les hommages que l'on rend à la gloire soient accompagnés de tant de risques?

J'ai l'honneur d'être, etc.


234-a Voyez t. VII, p. 40.