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58. A M. JORDAN.

Ce 9 mai 1741.

Au camp retranché de Mollwitz,
Endroit où mortier, où haubitz,
Où canon et fusil décharge,
Et d'où Jordan gagna le large.

Comment! vous prenez gravement
Mes vers, mon épître volage?
Je vous connaissais autrement;
Vous me trompez, c'est grand dommage.
Le ton léger du badinage
Vous aurait-il paru mordant?
Si l'esprit pèche, c'est l'usage;
Mais pour le cœur, est innocent.

C'est ainsi que je réponds à la très-sérieuse lettre que vous venez de m'écrire. Je ne suis pas aujourd'hui d'humeur assez atrabilaire pour m'affliger d'un malheur qui n'existe pas encore, et je plains votre esprit de tout mon cœur des tourments inutiles qu'il vous cause.

C'est plutôt quelque vent malin
Qui, s'arrêtant dans son chemin,
Ou cheminant avec paresse,
Dans votre corps fait le lutin,
Et vous angoisse et vous oppresse.

Voilà ce qu'en dit la Faculté; c'est à votre garde-robe d'en décider, car je crois qu'en ces sortes d'affaires elle peut passer pour juge compétent.

Si vous ne jugez pas à propos de promener vos hypocondres, ni de vous crotter comme un barbet, vous ferez admirablement bien de rester à Breslau.

Je n'ai à vous parler depuis quelques jours que de pluie, de neige,<118> de grêle et de mauvais temps. Il n'y a pas là de quoi vous mettre de bonne humeur; mais j'y renonce, car je n'y réussirais pourtant pas.

Je suis, ni plus ni moins, un des plus zélés amis de M. Jordan. Adieu.