45. DU MÊME.

Berlin, 14 mars 1741.



Sire,

La Gazette française de Berlin, en parlant de la conspiration, a effrayé et fait frémir tous les honnêtes gens. J'avouerai à V. M. que je<104> n'ai l'esprit occupé que de cette idée, que j'ai tout le temps de considérer dans le silence du cabinet. Le fait une fois avéré, les personnes capables d'un aussi noir dessein ne peuvent être que couvertes de confusion et d'ignominie. Les ecclésiastiques catholiques ne sont pas moins à craindre : ils le sont même peut-être plus, parce que leurs démarches sont cachées et couvertes du voile ténébreux de la religion. Dieu veuille préserver V. M. d'accidents! Je m'appliquerai plus soigneusement à la vertu, afin que mes prières soient exaucées, car on dit qu'il n'y a que celles des justes qui le soient.

La cour de Saxe, dit-on, demande une princesse de cette maison pour le prince royal de Pologne; la reine de Hongrie cédera toute la Silésie, moyennant quarante mille hommes que V. M. lui accorde : voilà deux nouvelles qui n'ont pas même de la vraisemblance. Celle-ci en a une nuance : c'est que la cour impériale est fort embarrassée.

Le voyage de M. de Valori fournit matière à bien des conjectures politiques; il y a, ma foi, de quoi épuiser l'art conjectural, quand il aura été asservi à des règles fixes et invariables par M. de Wolff, comme il le promet.

Madame de Rocoulle, qui se porte un peu mieux, m'a chargé de la mettre aux pieds de V. M. Quand aurai-je la consolation de pouvoir faire ma cour, à Berlin, après une paix stable et constante, à celui qui est la consolation de tout Israël? Je demande grâce pour ces derniers mots théologiques, et j'ai l'honneur, etc.