<267>Vous me trouverez plus philosophe que je ne l'ai jamais été, et plus encore praticien que spéculatif. J'ai eu beaucoup à faire depuis que je ne vous ai vu; aussi suis-je si étourdi de tout cet ouvrage, que je rendrai grâce à Dieu d'en être délivré. Il y a de quoi faire tourner la cervelle à un honnête homme. Préparez-vous à bien philosopher avec moi dans les belles allées de Charlottenbourg.

Adieu, cher Jordan : le 12, je vous en dirai davantage.

163. DE M. JORDAN.

Berlin, 8 septembre 1742.



Sire,

D'Argens et moi avons entendu déclamer à Francheville le premier chant et une partie du second sur la Guerre de Silésie. Je puis assurer à V. M. qu'il y a plusieurs endroits dont Voltaire même tirerait vanité. Ce qui nous divertit, c'est l'enthousiasme avec lequel il les récite : cela m'engage à faire ces quatre vers.

L'autre jour, j'entendis Damon
Déclamer ses beaux vers d'une façon étrange.
S'il fait, dis-je, des vers comme en ferait un ange,
Il les récite en vrai démon.

On se dit à l'oreille qu'il y a des régiments qui ont reçu ordre de marcher. Je ne saurais me l'imaginer. Peut-être est-ce uniquement parce que je suis partisan de la paix? Qui ne le serait pas?

J'aurai l'honneur de faire ma cour à V. M. à Potsdam, suivant l'ordre qu'elle m'a fait la grâce de me donner. Je m'en fais un plaisir d'avance, puisqu'on assure que les eaux d'Aix et les bains ont produit sur la précieuse santé de V. M. des effets merveilleux.