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42. AU MÊME.

Ruppin, 18 avril 1733.

L'on est fort obligé au cher Cassubien de la lettre qu'il a eu la bonté d'écrire. L'on se porte, grâce à Dieu, fort bien, et l'on est fort content d'être de retour chez soi, peu édifié du séjour de Potsdam. L'on se tiendrait volontiers en son gouvernement. Le Gouverneur est fort embarrassé du rôle qu'il sera obligé de jouer quand il sera marié, et il croit que l'obscur sera le meilleur, c'est-à-dire, de rester incognito le plus qu'il pourra à son gouvernement, plan que le souverain approuve fort, et de ne se mêler de rien au monde. L'on souhaite beaucoup de bonheur au cher Cassubien touchant les noces de sa fille, et l'on prend beaucoup de part au malheur de la pauvre Caroline. Dieu sait si nous aurons guerre ou non, mais, d'une certaine façon, je le souhaiterais, pour me tirer de la mauvaise situation dans laquelle je crains de tomber. Je ne suis point amateur des Argus, ni de tout ce qui peut y avoir le moindre rapport; au contraire, j'aime fort que l'on ne s'embarrasse point de moi, comme aussi je ne m'embarrasserais pas des autres. Le vin est arrivé à bon port, et l'on en trouve la preuve excellente, et l'on vous prie d'en faire un grand compliment au marchand. Dieu sait que le pauvre Gouverneur se tue pour plaire au souverain; il exerce depuis le matin jusqu'au soir, il fait des recrues le plus qu'il peut, il l'ait des taxes, des bails, tant de choses qui se font par complaisance, comme l'on peut croire, et qui, malgré cela, ne trouvent aucune approbation. Comment est-il possible, malgré cela, de s'oublier soi-même, et de ne pas réserver une ou deux heures par jour pour se récréer, après que les actes de devoir sont finis? Enfin coupons court sur cette matière odieuse, et laissons le soin au ciel de pourvoir, et au temps d'exécuter les décrets de