<367> que chaque grenadier a eu mille ducats pour sa part. On a tout massacré le premier jour; mais ensuite on a fait prisonniers ceux qu'on a trouvés dans les caves. Cette place est un hexagone très-régulièrement fortifié; on y a trouvé quatre-vingt-deux pièces de canon de fonte, et sept mortiers.

Mais je fais trêve aux nouvelles, crainte de devenir ou importun en vous étourdissant de nouvelles trop peu intéressantes pour vous, ou indiscret en abusant de votre bonté à m'écouter. Mais quand le monde entier retentirait de nouvelles toutes dignes d'attirer votre attention, oh! laissez-moi encore espérer, grand et aimable prince, qu'elles ne vous feront jamais oublier l'heureux mortel que vous avez daigné élever à la dignité de votre ami, et qui vous est dévoué de cœur et d'âme, etc.

59. A M. DE SUHM.

Remusberg, 12 septembre 1737.



Mon cher Diaphane,

J'ai reçu, mon cher, votre belliqueuse lettre; je n'y vois que les triomphes du comte de Münnich et la défaite des Turcs et des Tartares. Je vous avoue que je suis de ces personnes qui aiment à partager la gloire des autres, et que, sans la philosophie, je verrais avec inquiétude tant de grandes actions sans y assister. Le comte de Münnich paraît vouloir faire l'Alexandre de ce siècle; il gagne des batailles comme on renverse des jeux de cartes, et sait conquérir des provinces avec plus de rapidité que d'autres ne les parcourent.

Il y a un bonheur à venir à propos dans le monde, sans quoi on ne fait jamais rien. Le prince d'Anhalt, qui est peut-être le plus grand général du siècle, demeure dans une obscurité dont lui seul peut ressentir tout le poids; et d'autres, qui ne le valent pas de bien loin,