<355> bien encore sur un autre ton de ce pays. Il dit qu'il a cherché l'ombre au mois de janvier, sous des lauriers et des peupliers. Je vous plains de tout mon cœur d'être dans un pays si contraire à votre santé. Je l'ai prévu, et j'en crains les funestes suites.

Ce que vous m'écrivez de l'imprimerie de Pétersbourg me plaît beaucoup; je vous remets tout le soin de ma bibliothèque. Je saurai garder un silence nécessaire et requis; vous pouvez bien croire que mon propre intérêt m'y oblige, puisque l'on confisque les livres de contrebande. Ne pourriez-vous pas envoyer mes livres par Stettin, où Rohwedella me les pourrait faire tenir? Je crois qu'on n'y risquerait rien. Je m'en rapporte à ce que je vous ai marqué dans ma dernière, où vous verrez que je vous détaille toutes les raisons de ceux qui me pressent pour que je leur prête des livres.

Nous tirons ici depuis quelque temps plus de poudre que je crois qu'on n'en a tiré à la prise d'Oczakow. Remusberg est abandonné depuis quelque temps, à mon grand regret. Quand les revues seront passées, je m'y recognerai de nouveau. Vous me manquez mille fois, mon cher Diaphane; il me semble que chaque lieue nous sépare d'autant d'années, tant vous me paraissez éloigné. Que le ciel veuille donc nous rapprocher bientôt, et me donner la consolation de vous revoir! Je le désire bien ardemment, étant avec une très-sincère et parfaite estime,



Mon cher Diaphane,

Votre très-fidèlement affectionné ami,
Frederic.

P. S. On vient de m'annoncer qu'un capitaine de Wartenberg,b au service de Russie, était arrivé. Je l'ai fait querir d'abord pour lui


a Voyez ci-dessus, p. 17.

b Hartwig-Charles de Wartenberg (t. III, p. 115, et t. IV, p. 132), après avoir servi dans l'armée russe contre les Polonais, les Tartares et les Turcs, rentra en 1740 dans l'armée prussienne.