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29. DE M. DE SUHM.

Dresde, 3 septembre 1736.



Monseigneur

Il est bien au-dessus de mes forces de vous exprimer tout ce que m'a fait éprouver la gracieuse lettre dont il a plu à V. A. R. de m'honorer le 26 du mois passé; bien au-dessus de ma plume de vous peindre avec des couleurs aussi vives que fidèles l'attendrissement mêlé de confusion et les sentiments de respect et de reconnaissance dont cette précieuse lettre est venue me pénétrer. Mais n'allez pas croire, monseigneur, que ce qui m'a si fortement touché soit peut-être l'éloge qu'il vous a plu de faire de ma pauvre personne. Non, monseigneur, c'est quelque chose de bien plus flatteur, de bien plus touchant pour moi; c'est le témoignage que j'y trouve de votre précieuse amitié, c'est l'intérêt si attendrissant que vous daignez prendre à mon sort, et qui en adoucit toute la rigueur. Oui, si rien au monde est capable de me rendre vain, ce n'est sûrement pas le chétif mérite dont je puis être doué, mais c'est uniquement celui que je tire de l'estime et de la faveur dont V. A. R. daigne m'honorer gratuitement. Il me suffit donc, monseigneur, pour ma propre et entière satisfaction, d'oser espérer que V. A. R. ne me trouve pas indigne de ses bonnes grâces, et que, tel que je suis, elle ne dédaigne pas mes hommages, oui, si j'ose le dire, mes adorations. Car, si jamais mortel mérita d'être adoré, ce fut assurément un prince qui, comme vous, réunit en lui les plus rares, les plus grandes qualités et les plus sublimes vertus; un prince qui, comme vous, prenant pour modèle tout ce qu'il y eut jamais de grands hommes, et tirant de leurs caractères tout ce qui peut entrer dans celui d'un seul, travailla sincèrement à en former le sien. Ne vous offensez point, monseigneur, de cette effusion de mes senti-ments, qui part de la plus vive, de la plus intime conviction; mais