<303> n'est pas toujours serein; des frimas continuels ne couvrent pas la surface de nos champs. Prenons donc, mon cher Diaphane, le temps comme il vient, et pensons qu'il faut nécessairement fournir notre carrière. Il ne dépend pas de nous de reculer dans notre chemin, et le profit le plus essentiel que nous puissions retirer de la philosophie est de nous faire un calus pour toutes les choses extérieures, et de chercher le vrai repos et la tranquillité en nous-mêmes. Mais qu'il est facile, mon cher Diaphane, de donner ce précepte, et qu'il est difficile de le suivre! Je sens qu'un cœur rongé de chagrin, dans l'amertume de sa douleur, est peu flexible aux remontrances de la morale. Loin de condamner votre juste déplaisir, je l'approuve, d'autant plus qu'il est fondé sur la chanté chrétienne, qui nous inspire de la tristesse en voyant les imperfections de notre prochain. Or, avoir peu de connaissance de la vertu est une grande imperfection; c'est pourquoi, la trouvant dans votre maître, elle doit naturellement produire cet effet dans votre âme. Vous ne pouviez me donner une marque plus certaine de votre sincérité et de votre amitié qu'en m'ouvrant votre cœur, et en me faisant connaître toutes les circonstances dans lesquelles vous vous trouvez; et, sans être un Marc-Antonin, je ne désire rien tant, connaissant vos chagrins, que d'y pouvoir porter remède. Mais malheureusement je crois avoir lieu de craindre que jamais je ne pourrai être la cause efficiente de votre bonheur et de votre fortune.

Je me retire à présent dans ma chère solitude, où je donnerai carrière à mes études. Wolff, comme vous pouvez le croire, y tiendra son coin; le sieur Rollin aura ses heures, et le reste sera consacré aux dieux de la tranquillité et du repos. Un certain poëte dont vous aurez entendu parler, ou lu quelques ouvrages, Gresset, vient chez moi,a et


a La négociation ne réussit pas; mais Frédéric témoigna toujours beaucoup d'estime à l'auteur de Vert-vert. Dans sa lettre à Voltaire, du 28 mars 1738, il s'exprime ainsi : « La muse de Gresset est à présent une des premières du Parnasse français. »