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7. AU MÊME.

Wehlau, 8 octobre 1735.



Mon cher Camas,

Que direz-vous, si, à votre grande surprise, je vous apprends que mon habit bien doublé m'a rendu de très-bons services? Je ne me suis point repenti cette seule fois de l'avoir mis, car dans ce pays-ci il lait hiver en automne, et en hiver il faut bien qu'il y fasse le diable. Pour ne pas abréger si court la narration que je vous en fais, et pour parler en personne qui n'est point prévenue, je vous dirai que les quatre régiments de cavalerie que j'ai vus sont magnifiques. J'en suis enthousiasmé, et plus d'une fois il m'a démangé d'aller avec eux rabaisser un peu notre voisin l'impertinent, qui tranche du roi de la Sarmatie. Je vous vengerai comme il faut de la froide révérence qu'il vous a daigné faire pour votre belle harangue. Revenons à nos moutons; je suis en train de dire du bien, ainsi je continue de dire tout ce qu'il y a de louable ici. Les villes sont belles, bien peuplées, et, étant bâties dans toute leur enceinte, la plupart ont été obligées de faire des faubourgs; enfin le monde fourmille dans les villes et le plat pays, et dans une huitaine d'années, ce royaume sera mieux peuplé que la Suisse et la Franconie, à cause de toute la jeunesse de huit, neuf et dix ans qu'on y trouve, et qui tire son origine depuis les établissements qu'on a faits. Les Salzbourgeois commencent à se former au génie du pays, et il est certain que ce pays, dans quelques années, sera dans une parfaite culture, et à l'abri des malheurs ordinaires. Passons à présent au mauvais. Il y a eu, cette année et la précédente, une très-mauvaise récolte. Le Roi a été obligé de fournir les blés du magasin. Il faudra y revenir cette année, sans quoi cette quantité de peuple, amenée avec tant de frais, courrait risque de mourir de faim; et le Roi ne pourra retirer ce blé que les bonnes années. La nation, jalouse de ces nouveaux établis et des nouvelles introductions, avec