<97> concluez de là que l'habileté et la conduite du comte de Kaunitz ne sauraient assez s'admirer. Le comte a soutenu de tout temps qu'en prenant les Français par leur vanité, c'était le moyen de les mener comme on voudrait. Aussi, au commencement de cette guerre, a-t-il fait le suppliant. La reine de Hongrie n'était pas en état par ses propres forces de se soutenir contre le roi de Prusse; elle mettait toute sa confiance dans les secours et dans la bonne foi du Roi Très-Chrétien, avouant que ce serait à lui seul qu'elle devrait sa conservation : voilà le langage que nous tînmes à Versailles. Le comte Kaunitz a eu toutes les complaisances possibles pour les Français; il a cédé dans des bagatelles, et les a menés dans les grandes choses. Nous avons fait crier et pleurer les Saxons. Nous avons inondé Paris et Versailles de nouvelles que nous avions bien accommodées aux conjonctures. Enfin, l'amour-propre des Français, l'envie qu'ils ont de se mêler de tout, le prétexte favori de la paix de Westphalie, que les conjonctures nous ont fait trouver très-bon, la vanité de protéger la maison impériale et celle de Saxe, et surtout l'espérance de jouer le rôle d'arbitres d'Allemagne, enfin les lettres de l'Impératrice à . . . .a vous m'entendez bien, toutes ces choses ensemble ont fait prendre le change aux Français, et dès que le premier pas s'est trouvé fait, il ne nous a plus été difficile de leur en faire faire d'autres. Vous voyez comme le comte de Kaunitz les mène. Quelle dépense en argent, en subsides! et quel nombre de troupes ne les oblige-t-il pas d'employer pour le service de notre auguste souveraine! Vous dites que les Français sont nos éternels ennemis. Eh! tant mieux pour le comte Kaunitz. Pouvait-il donc faire un plus grand coup, un coup d'une plus fine politique, que de se servir des ennemis de la maison d'Autriche pour travailler au plus grand agrandissement de cette maison? Pouvait-il mieux faire que d'épuiser la France d'hommes et d'argent pour la réduire dans un état d'épuisement qui la rendra peu redoutable


a La marquise de Pompadour. Voyez ci-dessus, p. 89.