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ÉLOGE DE LA PARESSE.

Il n'est aucune opinion, quelque bizarre qu'elle soit, qui n'ait trouvé de zélés défenseurs. L'évêque de Las Casas se déclara le protecteur de l'amour socratique; il soutient que la nature a fait deux fours, et que par distraction on s'y trompe quelquefois. Érasme, le sage Érasme, fit l'éloge de la folie.a Si l'aliénation d'esprit, si le dérangement de logique dans nos cerveaux trouva un grand homme qui en fit l'apologie, pourquoi ne nous serait-il pas permis, à plus forte raison, de relever les avantages infinis de la paresse, et de mettre en évidence que cette heureuse et pacifique disposition, qui se rencontre en quelques êtres privilégiés de la nature, est aussi utile à la société en général qu'à l'individu qui la possède? Les preuves ne nous manquent point, mais leur multitude nous embarrasse. Tenons-nous-en aux plus simples; attestons-en la voix publique et ces sentiments qui, pour être généraux, sont passés en proverbe; que l'on pardonne aux expressions triviales en faveur du grand sens qu'elles renferment.

Le peuple dit communément : Il ne faut pas réveiller le chat qui dort; leçon profonde, et qui fait seule l'éloge de la paresse. Le chat est malfaisant, le sommeil l'engourdit; quand ses paisibles pavots ont fait clore sa paupière, gardez-vous de le réveiller : autant son inaction le rend innocent, autant il est traître lorsque ses sens


a Voyez t. VII, p. 135