<73>L'autre, sans l'argent de Crassus,
Sans l'orgueil de Pompée et sans le bras d'Antoine,
N'aurait point asservi les Romains abattus.

Ces destins sont fameux, mais leur vicissitude
Mêle l'amertume au bonheur :
Quel est donc ce frivole honneur
Qu'on ne doit point à soi, mais à la multitude?

De ces triomphes vains mon cœur n'est plus tenté;
Je plains l'aveuglement profane
Dont la sombre fureur émane
De cet héroïsme entêté.

Ces champs si fortunés où règne l'opulence,
Qui, réchauffés des feux de l'astre des saisons,
Produisent de riches moissons,
Ces champs qu'habitent l'innocence,
La candeur et la tempérance,
Si la guerre venait répandre sa fureur,
Seraient changés soudain en théâtre d'horreur.
La terre abondante et fertile
Présenterait un champ stérile,
Et l'on verrait, dans ces climats,
Les épis moissonnés par d'avides soldats,
Les arbres renversés, les maisons abattues,
Et les violateurs, répandus dans les rues,
Porter partout le fer, la flamme et le trépas.