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la gloire de sa nation, en verrait rejaillir quelques rayons sur lui-même. Les Français l'ont senti et par leur enthousiasme ils se sont rendus dignes de partager le lustre que leur compatriote a répandu sur eux et sur le siècle. Mais croirait-on que ce Voltaire auquel la profane Grèce aurait élevé des autels, qui eût eu dans Rome des statues, auquel une grande impératrice, protectrice des sciences, voulait ériger un monument à Petersbourg : qui croira, dis-je, qu'un tel être pensa manquer dans sa patrie d'un peu de terre pour couvrir ses cendres? Et quoi ! dans le dix-huitième siècle, où les lumières sont plus répandues que jamais, où l'esprit philosophique a tant fait de progrès, il se trouvera des hiérophantes, plus barbares que les Hérules, plus dignes de vivre avec les peuples de la Taprobane que de la nation française, aveuglés par un faux zèle, ivres de fanatisme, qui empêcheront qu'on ne rende les derniers devoirs de l'humanité à un des hommes les plus célèbres que jamais la France ait portés! Voilà cependant ce que l'Europe a vu avec une douleur mêlée d'indignation. Mais quelle que soit la haine de ces frénétiques et la lâcheté de leur vengeance de s'acharner ainsi sur des cadavres, ni les cris de l'envie ni leurs hurlements sauvages ne terniront la mémoire de M. de Voltaire. Le sort le plus doux, qu'ils peuvent attendre, est qu'eux et leurs vils artifices demeurent ensevelis à jamais dans les ténèbres de l'oubli, tandis que la mémoire de M. de Voltaire s'accroîtra d'âge en âge et transmettra son nom à l'immortalité. Qui dirait qu'un homme, auquel la profane Grèce eût élevé des autels, qui eût eu des statues à Rome, auquel une grande impératrice, protectrice des arts et des sciences, aurait érigé un monument à Petersbourg qui dirait qu'un homme pareil pensa manquer d'un peu de terre dans sa patrie pour couvrir ses cendres? Qui dirait que dans le 18ème siècle où les lumières sont plus répandues que dans tous les précédents, il se trouverait des ecclésiastiques, barbares et Hérules
plus dignes des peuples de la Taprobane que de la nation française,
qui s'opposeraient à laisser inhumer un des hommes les plus célèbres que la France a jamais porté? Voilà cependant ce que l'Europe a vu avec une douleur mêlée d'indignation. Mais quelques soient les cris de l'envie et les hurlements du fanatisme et de la déraison, ces vapeurs infectes qui s'élèvent du fond de l'abîme, ne souilleront point la vérité et le nom de ces fanatiques imbéciles demeurera enseveli dans un oubli éternel tandisque la mémoire de M. de Voltaire s'accroîtra d'âge en âge et transmettra son nom à l'immortalité.