<22> apprit par coeur ne pouvant pas les écrire; après sou élargissement ulcéré des traitements qu'il avait reçus dans sa patrie, il passa en Angleterre. Non seulement il fut bien accueilli du public, mais en bientôt les Anglais devinrent ses enthousiastes. Ce fut à Londres, qu'il mit la dernière main au poème de la Henriade, qu'il publia alors sous le nom du Poème de la Ligue. Monsieur de Voltaire, qui savait tout mettre a profit, étudia pendant qu'il était en Angleterre, les ouvrages des meilleurs philosophes qu'il y avait alors dans le monde; il saisit le fil, avec lequel le sage Locke se conduisait dans la dédale de la métaphysique et il s'appropria si bien le calcul et les découvertes de l'immortel Newton que dans un abrégé, où il exposa ce système, il le mit à la portée de tout le monde. Monsieur de Fontenelle était l'unique avant lui, qui avait aprivoisé l'astronomie à un tel degré qu'elle put amuser l'oisiveté du beau-sexe. Tout ce qu'il y avait de plus illustre en Angleterre, se déchirait à qui aurait Monsieur de Voltaire. Cependant quelque flatteur que fût ce triomphe, l'amour de la patrie l'emporta sur la vaine gloire et il retourna en France. Cette nation éclairée par les suffrages, que Monsieur de Voltaire avait recueillis en Angleterre, commença à soupçonner qu'elle avait produit un grand homme. Alors parurent les Lettres sur les Anglais1, la tragédie de Mariane, de Brutus et une foule d'autres pièces. Quelque temps après Monsieur de Voltaire fit connaissance avec la Marquise du Chatelet. Cette dame si célèbre est trop connue par2 son amour pour les sciences3 pour qu'on y ajoute des éloges étrangers. Le désir de s'instruire et l'ardeur de connaître le peu de vérité, qui sont à la portée de l'esprit humain, reserra les liens d'une amitié indissoluble entre la Marquise et le poète. Madame du Chatelet abandonna bientôt la Theodicée de Leibnitz pour la métaphysique de Locke, elle apprit assez de géométrie pour suivre Newton dans ses calculs et pour en composer une espèce d'abrégé qui servit d'instruction à son fils. Cirey devint la retraite philosophique de ces deux amis, qui travaillant chacun à des ouvrages de différents genres se communiquaient réciproquement leurs productions.

Là furent composés Zaire, Alzire, Mérope, Semiramis, Catilina, Electra. Monsieur de Voltaire ne se bornait pas au plaisir d'enrichir le théâtre, ce fut proprement pour l'usage de la Marquise du Chatelet qu'il composa son Essai sur l'histoire universelle et celle du Siècle de Louis XIV. Son Histoire de Charles XII avait déjà paru.

Il n'y eut que la mort de Madame du Chatelet, qui mit fin à cette belle union. Bientôt il fut appelé par le Roi de Prusse, qui l'ayant déjà vu, désira de posséder un génie aussi rare qu'unique. Ce fut l'année 17 ... qu'il vint à Berlin. Il n'y avait aucune connaissance qui lui échappait, sa conversation était universelle, instructive et agréable, la vivacité de son imagination lui fournissait sur tel sujet que ce fût, des contes aussi ingénieux que plaisants; enfin il faisait les délices de toutes les sociétés, où il se trouvait. Une malheureuse dispute, qu'il eut avec Monsieur de Maupertuis, brouilla ces deux philosophes et la guerre qui survint en 16564 inspira à Monsieur de Voltaire le désir de se ||


1 hinter Anglais ein Wort durchgestr.

2 connue pour 1.

3 hinter sciences ausgestrichen : qu'il serait superflu d'y ajouter nos éloges.

4 so die Hdschr.